Libéré, délivré : choix ou contrainte ? 

Par Thomas Norway – Les sociétés humaines ont été depuis toujours inégalitaires en très majeure partie que cela soit dans les tâches réalisées ou dans la rétribution de celles-ci. La quantité maximale de biens et de services est déterminée par la physique.

Dès lors, ce qui est donné à l’un est pris à l’autre car "le gain des uns est la perte des autres", ce qui est un choix éminemment sociétal et subjectif. D’ailleurs, afin d’éviter un éventuel partage, utiliser les récits, les conventions ou croyances peut être une alternative à faible coût. Ne pas accorder le statut d’être vivant sensible à un humain ou animal permet de l’exploiter sans trop sourciller.

 

Dès lors, comment expliquer certaines avancées sociales passées et envisager celles à venir ?

 

La machine à tout faire

Les humains sont avant tout des machines. Certes avec de nombreux défauts par rapport à leurs substituts sidérurgiques mais avec une qualité intéressante : ils sont multiusages.

L’humain reste encore irremplaçable pour la réalisation de certaines tâches mais est remplaçable efficacement pour le reste alors autant l’exploiter au mieux.

 

L’esclavagisme

Pour augmenter le confort de la classe dominante, le recours aux esclaves non rémunérés était monnaie courante. Attention, le fait d’être rémunéré n’est absolument pas gage de liberté et d’aucuns affirment que le capitalisme est une forme d’esclavage.

 


« Invasion Los Angeles » John Carpenter, 1988

 

L’abolition de l’esclavage, bien qu’il ait été un sujet depuis l’antiquité, n’a réellement commencé à être mise en œuvre qu’au 18ième siècle c’est-à-dire avec la machine à vapeur, le charbon et la pomme de terre.

En effet, la révolution industrielle a permis d’augmenter significativement la production de biens et de services et partager un peu plus quand il y a beaucoup plus est moins pénible. Bien que d’aucuns diraient que partager même si c’est moins pénible, ça reste pénible quand même.

Ce qui a fait changer d’avis les réfractaires, c’est de comprendre que la perte n’en était pas une car la taille globale du gâteau augmentait : avoir 70% de 2 millions et plus intéressant que 99% de 1 million.

Un exemple si la production d’énergie n’est plus le facteur limitant :
    • En 1 an, 50 hommes libres produisent et assemblent une machine
    • Une machine remplace et libère 100 esclaves
En "partageant" et sans limite d’énergie, la société produira l’année suivante 3 machines, ensuite 9 puis 27 et ainsi de suite : croissance exponentielle grâce aux énergies faciles et fossiles.

Mais comme les machines ne peuvent pas réaliser toutes les tâches et que des machines humaines étaient disponibles :  les esclaves sont donc devenus ouvriers et les ouvriers des managers : l’ascension sociale demande d’avoir quelque chose ou quelqu’un pour s’élever.

De plus, un travailleur libre est plus productif et motivé mais surtout plus facile à contrôler et donc risquant moins de tuer le colonel moutarde dans le cellier avec un tractopelle (c’est un très grand cellier).  
Enfin, un travailleur libre devient un sympathique consommateur et docile car asservi par des emprunts "librement" contractés.

 

La condition féminine

Les deux guerres mondiales ont donné des avancées technologiques majeures car une guerre se gagne par le nombre, la motivation et surtout la supériorité technologique.

Après la guerre, tout doit être remis à neuf avec des technologies plus efficaces et libérant ainsi une énergie utile considérable.

Reste à trouver des "bras" disponibles de manière fiable et régulière afin de s’imbriquer dans un système productiviste efficient et organisé  : plus de 8h par jour (hors transport) et beaucoup de jours par semaine : le temps est un paramètre limitant.

Ces "bras" seront trouvés dans la paysannerie et chez les femmes.

La fabrication de tracteurs, camions et voitures efficaces permet de réduire la population agricole, de densifier la population près des lieux de production, de développer les services et de réduire le temps de transport.

Concomitamment pour les tâches physiologiques et traditionnellement confiées aux femmes :
    • L’éducation, la médecine et la sécurité sociale (retraite) réduisent le nombre d’enfants par femme (plus de 3 à moins de 2) ;
    • La mortalité infantile est réduite de 14% en 1900 à 2% en 1970 ce qui réduit le nombre de grossesses ;
    • L’électricité, le gaz, les couches-culottes ont permis des gains de temps dans les tâches ménagères : fer à repasser, lave-linge, séchoir, cuisinière, aspirateur… ;
    • La chaîne du froid, les conserves industrielles et le développement des magasins réduisent le temps consacré à l’alimentation ;
    • Les réfrigérateurs et le lait en poudre UHT (1937) proposent une alternative à l’allaitement.

Avec l’aide des grands-parents en meilleure santé, crèches et écoles maternelles, les femmes vont dès lors pouvoir utiliser le surplus de temps et d’énergie afin de fabriquer, créer et consommer de nouveaux biens et services : le gain des unes est le gain des autres.

 

Risques à venir

Les machines ont largement contribué aux évolutions sociales mais l’énergie facile touche à sa fin et aucune alternative viable à grande échelle pour les 30 années à venir n’existe.

Le nombre de machines va donc diminuer que l’on le souhaite ou non. Dès lors, certains groupes sociaux risquent de retrouver une place nettement moins agréable que précédemment.

Cependant, la répartition des tâches, du labeur et des fruits de celui-ci est sociétal/subjectif et plus les contraintes énergétiques seront rapidement comprises, acceptées et discutées, plus le lien entre bonheur et consommation sera remis en cause, plus il sera envisageable d’éviter de futurs rapports de force douloureux.

 

Rubrique de Thomas Norway, spécialiste en systémique de l'énergie.  "Je ne suis pour ou contre aucune technologie, je suis pour la compréhension du problème et l’acceptation démocratique des conséquences de nos choix."

 

 

Pour terminer cette rubrique :

"Essayer d’avoir raison à tout prix est le meilleur moyen de polariser la société. Cette polarisation est dangereuse car cela favorise l’extrémisme et le totalitarisme." Vincent Mignerot

"C'est doux de vivre avec des gens qui s'aiment." Francis Dannemark / La grève des archéologues

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