Une armée sans pétrole n'est pas une armée
Partie 3/3 - Les dirigeants européens planchent sur des investissements militaires de 800 milliards d’euros pour faire face à une éventuelle menace russe.
Cet objectif offre l’avantage d’un resserrement des liens entre pays, et permettra de remédier partiellement à la désindustrialisation, de stimuler l’innovation et de recycler les milliers d’emplois perdus notamment dans le secteur automobile. Pour avoir une armée compétitive, un ingrédient est essentiel : du Pétrole !
Le pétrole est le nerf de la guerre
Cette envie Européenne d'une puissance armée forte touche au talon d’Achille d’un continent aux sols pauvres en ressources. L’énergie étant le nerf de la guerre, la plus grande faiblesse de l’Europe réside dans sa nécessité d’importer la quasi-totalité de son pétrole et de son gaz.
Chaque pays va devoir s’assurer un accès aux hydrocarbures et aux minerais stratégiques auprès d’alliés de circonstance et choisir ses dépendances vis-à-vis des pays exportateurs comme la Russie.
A l’horizon des programmes d’armement, qui s’étalent sur dix, vingt voire cinquante ans, ce problème de sécurité d’approvisionnement énergétique peine à percuter les radars de Bruxelles.
La cause pourrait provenir de cette pensée d'être en situation d’abondance énergétique.
L'armée se sont d'abord des machines
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, les puissances militaires s’appuient sur une chaîne logistique biberonnée au pétrole. Une armée est l’affaire de machines qui sont alimentées par du diesel et du kérosène.
La densité énergétique des combustibles fossiles reste inégalée pour les combats, qui demandent d’assurer le maximum de puissance à un moment opportun. Symbole de ce concept d’insouciance énergétique, l’avion de chasse F-35, qui consomme chaque heure 6000 litres d’un kérosène spécial.
La guerre en Ukraine a montré aux Européens que leur puissance armée repose sur un château de cartes. Sans ressources pétrolières et sans minerais stratégiques pour la confection des armes de demain, l’Europe se trouve devant le défi de réinventer ses équipements pour s’adapter à ses limites.
Financer l'industrie civile et les innovations
En effet, l’acier, les moteurs des chars d’assaut et des véhicules militaires proviennent principalement de l’industrie civile.
Avec la disparition des aciéries et l’électrification de son parc automobile, comment assurer les réparations et le développement du parc militaire actuel?
On peine à imaginer un jet ou un tank électrique. Les 800 milliards d’euros rendent indispensable le financement d’innovations. Aux Etats-Unis et en Israël, les produits des start-up répondent souvent à des besoins militaires pour ensuite être transférés au civil.
Les développements d’internet, des panneaux solaires, des technologies utilisées dans nos smartphones, comme les écrans tactiles ainsi que l’intelligence artificielle, ont suivi ce processus. Qu’importent les dépassements financiers ou les pertes, les armées n'ont pas à se justifier, protégées par le sceau de la nécessité de protéger la population.
La Chine effectue sa transition
L’Europe pourrait suivre l’exemple de la Chine, la meilleure élève de la classe.
Pékin mixe autant le pétrole que des énergies nouvelles. Ainsi ont vu le jour des drones et des robots électriques ou à hydrogène, des véhicules de combat autonomes avec utilisation du solaire.
Mais pour atteindre ses objectifs, la Chine a d'abord commencé par assurer son approvisionnement pétrolier, gazier et en minerais stratégiques comme l’uranium, le lithium, en passant par les terres rares ou les énergies renouvelables.
Ces percées technologiques l'ont positionnée comme leader mondial de ces nouvelles technologies avec un transfert vers le secteur privé pour y chercher une rentabilité économique.
L'Europe est un désert peuplé de consommateurs
Pour l’instant, ce qui immunise l’Europe continentale contre une tentative d’annexion par la Chine ou la Russie, c’est que les terres du Vieux-Continent ne regorgent d’aucun minerai stratégique ou de gisements d’hydrocarbures intéressants.
L’Europe est un désert peuplé de 490 millions de consommateurs qui n'offre aucun intérêt stratégique pour les années à venir.
Tout l’opposé du Groenland, de l’Afrique et surtout de l’Arctique qui deviennent des cibles stratégiques pour les années à venir.
L’insistance de Trump ou la lourdeur de son vice-président, J. D. Vance, face au Groenland témoignent ouvertement de ces besoins géostratégiques.
A l’avenir, l’une des plus grandes menaces militaires pour l’Europe sera de manquer d’énergie.
Chronique publiée dans le journal Le Temps