Banque Nationale Suisse : arme de construction massive
Le parlement Suisse vient d’accepter la consensuelle loi sur le CO2. La timidité de l’exercice n’a d’égale que la faiblesse des moyens financiers engagés. Le processus le rend tant indolore qu’invisible, tout en permettant d’arborer la satisfaction politique d’une mission accomplie.
Cependant, dans cet écosystème, un acteur climatique incontournable manque à l’appel. Il est sur toutes les lèvres mais personne n’ose prononcer son nom: la Banque Nationale Suisse.
Arme de destruction massive
Dans le monde climatique et énergétique, l’institution s’est taillée une réputation sulfureuse avec plus de 10 milliards de dollars investis dans les extractions les plus polluantes d’énergies fossiles aux USA.
Obnubilée par un besoin de marquer son indépendance entre économie et politique, la BNS s’est emmurée dans les concepts d’avant la crise de 2008 au point de devenir l’une des dernières banques centrales à porter une stratégie rendue obsolète dans un monde traversé par le coronavirus.
Qu’importe le soutien aux entreprises suisses, elle préfère investir dans les concurrents étrangers. BestMile, fleuron technologique vaudois dans la gestion des navettes électriques autonomes, voit ses concurrents américains abreuver de dizaines de millions $.
Du côté des retraités, ils ont tous vu leurs pensions et pouvoir d’achat fondre à cause des taux négatifs.
Même si sa propre charte lui interdit d’investir dans les banques, dans les énergies dangereuses pour le climat ou dans l’armement, les transgressions sont quotidiennes. Elle brandit son indépendance comme une immunité absolue de ses actions alors que sans la Confédération, elle n’existerait tout simplement pas.
En 20 ans, l’entité est passée du rôle de protecteur à prédateur.
Les règles du jeu ont changé
Du Japon, à la Chine, en passant par l’Europe à l’Angleterre et les USA, la crise du coronavirus modifie le rôle des banques centrales. Jadis occupées à maîtriser l’inflation, leurs outils financiers ont été incorporés aux actions politiques afin de sortir de la déflation. Ainsi, elles n’hésitent plus à injecter directement des liquidités dans les entreprises locales ou dans les ménages. Afin de maintenir les emplois, la Banque Américaine rachète les dettes des entreprises privées. Une hérésie? Comme le soulignait Darwin, celui qui ne s’adapte pas aux nouvelles règles du jeu, meurt.
Le salut dans les synergies
Pendant que les préoccupations climatiques balbutient, l’Helvétie fait face à des préoccupations immédiates dont le maintien des emplois, le soutient à ses industries ou l’accès à l’énergie. La quasi totalité de l’énergie consommée en Suisse est importée et le choc structurel pétrolier actuel questionne. Rystad Energy a avancé de deux ans ses prévisions du maximum d’extractions pétrolières mondiales qui pourraient être atteintes dès 2027 à 2028 avec un forte poussée des prix dès 2023. L’agence norvégienne est pourtant une fervente défenseure de l’or noir.
Dans sa stratégie énergétique, climatique et de l’emploi, la Confédération aura de plus en plus de peine à se contenter de pas microscopiques. Elle va avoir besoin de toute la puissance de la Banque pour effectuer cette transition qui a déjà débuté dans de nombreux pays. Pour ce faire, nos autorités politiques vont devoir travailler avec elle sur certains axes: coordination, transparence et souveraineté.
Ainsi, le conseil fédéral pourrait rapatrier à Berne les centres de décisions de la BNS actuellement dispersés à New York et à Bruxelles.
Comme l’a initié le fonds souverain norvégien, la transparence et l’éthique sont essentiels pour l’adhésion de l’opinion publique. L’inclusion de citoyens dans les groupes de travail et de décisions de la BNS pourraient redonner une certaine confiance du peuple envers son institution.
Les énergies renouvelables gourmandes en capital humain et le support aux entreprises permettront de maintenir des emplois. Finalement, des actions politiques et économiques coordonnées permettront de démultiplier les résultats.
Et si pour la Suisse, la Banque Nationale redevenait une arme de construction massive?