Pétrole et dettes, d'un mariage au divorce
Dis-moi combien tu consommes d'énergie et je te dirai ton PIB. La connaissance de cette relation intime entre énergie et économie semble s'être évanouie dans les palabres politiques actuelles.
A l'heure où les dettes publiques explosent dans une ambiance de croissance anémique, d'inflation et d'un potentiel krach boursier à venir, cette maxime fait office d'éléphant dans la pièce.
Est-il encore possible de maîtriser le niveau de la dette alors que les coûts d'accès aux énergies ont atteint des niveaux trop élevés ?
A cours d'énergie bon marché, l'Allemagne augmente ses dettes
Pour de nombreux pays, le fardeau de la dette devient une charge handicapante. On peut citer la France, l'Italie, l'Angleterre, la Grèce, la Belgique ou les Etats-Unis et cette liste n'est pas exhaustive. Ainsi une partie démesurée de leurs budgets est utilisée pour le payement des intérêts.
Ancien bon élève, l'Allemagne est entrée dans cette spirale.
Depuis 2022 et la guerre en Ukraine, le pays est confronté à une sérieuse baisse de consommation de gaz-méthane russe. La récession a remplacé la croissance et le nouveau chancelier Merz ne peut qu'en faire l'âpre constatation. Sans énergie bon marché, certaines industries quittent le pays, les rentrées fiscales fondent, le nombre d'emplois diminue. Issue la plus facile, s'endetter pour compenser ces manques et maintenir la cohésion sociale.
La genèse remonte à la crise de 2008
Dans les faits, les prix élevés de l'énergie ont mis à mal le design sur lequel repose notre schéma économique. L'élément déclencheur pointe sur l'année 2007 et l'envolée exponentielle des prix du pétrole qui déclencha la crise des subprimes. Depuis, les prix du baril oscillent entre 65 et 110 dollars et le gaz-méthane suit cette tendance.
Ces niveaux élevés détruisent les fondamentaux des pays les plus riches.
Pour faire face à ce changement de paradigme, la Chine et l'Inde subventionnent massivement les prix des carburants ou de l'électricité pour garder et attirer des industries. Là aussi, les dettes viennent au secours de ce modèle d'affaires. Idem aux USA où l'industrie pétrolière siphonne les subsides.
Les avantages sociaux pétroliers
Autre impact notable, grâce aux énergies fossiles bon marché, les avancées sociales comme les retraites, les vacances, la semaine de 5 jours, l'instauration des assurances maladies ont vu le jour.
Insufflées dans des machines, la productivité a été décuplée et la technologie démultipliée. Les transports ont stimulé les échanges mondiaux pour générer des excédents capables de financer ces progrès. Dans ce monde où les prix de l'énergie augmentent et la quantité hydrocarbures s'amenuisent, les rouages se grippent.
Ainsi, la Grèce inaugure les journées de 13 heures, l'âge de la retraite est revu à la hausse dans de nombreux pays et les aides sociales diminuent.
Bien évidemment, les maux de ces pays ne reposent pas entièrement sur une baisse de consommation d'énergie. De nombreux facteurs entrent en jeu comme la maîtrise des technologies, l'accès aux terres-rares ou la gestion politique.
Les énergies renouvelables se cumulent au pétrole
Quel sera le sort des pays endettés d'autant que les énergies renouvelables sont d'une aide limitée ? Comme le souligne, Armin Nasser, le directeur de la plus grande entreprise pétrolière mondiale, Saudi Aramco "avec les énergies renouvelables, il ne s'agit pas d'une véritable transition énergétique, mais d'un ajout énergétique."
Ainsi, les gouvernements vont devoir faire face à une contraction des quantités d'énergie à disposition et par ricochet d'une diminution du PIB. L'échappatoire à leurs promesses se résumera de continuer soit à creuser la dette ou soit tailler dans les investissements d'infrastructures, de l'armée ou dans le social.
Il reste à déterminer quand les douze coups de minuit sonneront. Depuis décembre 2024, les extractions pétrolières des Etats-Unis sont en baisse malgré le coup de fouet de Donald Trump.
De peur de laisser trop de pétrole dans ses sous-sols, l'Arabie Saoudite a ouvert les vannes. La Chine, l'Inde, les Etats-Unis jouent des coudes pour s'octroyer les hydrocarbures russes. Après une longue lune de miel, le divorce entre le pétrole et l'économie se précise. Seule certitude, il va coûter cher.
Article publié dans le journal Le Temps