Confiant, le baril de pétrole passe les 90 dollars, les voitures électriques hésitent
Certainement pour ne pas réveiller l’inflation, à Londres et en toute discrétion, le baril de Brent de pétrole a passé la barre des 90 dollars.
Alors que cette hausse pourrait stimuler l’industrie des voitures électriques, celle-ci traverse une dépression, comme le passage de l’adolescence au monde des adultes.
Tesla modèle de surpuissance à copier
Symbole de ce nouveau moyen de transport, le constructeur américain Tesla. Portée par la vision du fantasque Elon Musk, la marque a subtilement échappé à la faillite en utilisant de nouveaux outils psychologiques qui ont rendu ce type de motricité désirable et iconique.
Le génie de Musk aura été de faire passer le statut d’automobiliste, ce conducteur solitaire, à celui de membre d’une communauté exclusive, financièrement aisée, qui se laisse transporter dans un vaisseau surpuissant et autopiloté.
Même Wall Street s’est pris au jeu. Tesla n’est pas un constructeur de voitures mais un collecteur de données sur quatre roues. Avec une capitalisation boursière dépassant les 1000 milliards de dollars, elle relègue les Toyota ou Mercedes au rôle de débutants.
Cependant, ce succès est peut-être à la base du retour de manivelle actuel des voitures électriques. Pour écraser les moteurs thermiques, Tesla s’est engagé dans la démesure et la surpuissance.
Attirés par ce succès, les compétiteurs européens et américains se sont engouffrés dans cette minuscule niche luxueuse. Résultat: la grande partie des voitures électriques actuellement commercialisées ne sont adaptées ni en poids, ni en prix, en taille, en puissance et en ce qui concerne leur utilisation de minerais.
Démocratiser la voiture électrique dans les différentes classes
Aujourd’hui, l’un des plus grands défis de l’industrie est d’infuser dans la société afin de se démocratiser et d’être adoptée par les masses les moins riches, mais bien plus nombreuses.
Dans le processus automobile, les classes aisées achètent les modèles neufs et les classes inférieures doivent attendre quelques années afin d’accéder aux modèles d’occasion devenus financièrement accessibles.
Dans ses plans initiaux, Elon Musk avait ainsi prévu la construction d’un modèle abordable. Mais il y a une semaine, Reuters annonçait l’arrêt du projet du Model 2 à 25'000 dollars, prévu pour 2025.
Il est vrai que depuis le début de l’année, l’action Tesla a perdu 33% et ses ventes ont dégringolé de 20% d’un trimestre à l’autre. Faute de pouvoir élargir le potentiel de ventes aux moins fortunés, les prévisions s’assombrissent.
Les constructeurs peinent à dégager des marges
L’américain n’est pas le seul constructeur électrique à entrer dans la tourmente.
Après avoir investi 10 milliards de dollars sur dix ans, Apple a suspendu son projet «Titan» et licencié ses 614 employés.
Ford a perdu 4,7 milliards de dollars dans le domaine des véhicules électriques en 2023 et prévoit d’en perdre 5,5 cette année. Son PDG, Jim Farley pense que «la prochaine génération de véhicules électriques devra être bénéficiaire en douze mois. Les modèles seront développés dans des segments où Ford possède un avantage comme les pick-up et les vans».
Du côté de la Chine, le géant Build Your Dream (BYD) a vu ses ventes chuter pour abandonner sa première place mondiale en nombre d’unités vendues, à Tesla. Entre janvier et mars, Tesla a livré 386'810 voitures alors que BYD en a vendu 300'114. Une chute vertigineuse de 42% par rapport au dernier trimestre de 2023.
La grande peur de la Chine
Du côté des gouvernements, si l’arrivée des véhicules électriques fut saluée comme une panacée dans la transition hors du pétrole, la fuite des emplois vers l’Empire du Milieu crispe.
Il y a 10 ans, pratiquement tous les constructeurs européens se précipitaient en Chine. Devant leurs échéances boursières trimestrielles, ils n’hésitaient pas à livrer leur savoir-faire avec l’espoir d’entrer dans ce juteux marché.
Revenues dépouillées de cette aventure, ces mêmes entreprises viennent demander des subsides pour tenter de survivre.
Aux Etats-Unis, le match se joue en un Biden électrique et un Trump thermique.
Dans ce contexte, si l’industrie électrique arrive à entrer dans le monde des adultes... Les années qui viennent vont être intéressantes à suivre, voir même électrisantes !
Publié dans le journal Le Temps