Efficacité : la course mortelle à l’efficacité
Par Thomas Norway – Etant donné l’augmentation continue du taux d’oxygène dans l’atmosphère, l’énergie disponible s’est raréfiée pour toute la chaîne alimentaire. Ceci a obligé les dinosaures à devenir de plus en plus efficaces et donc à s’essayer à un gigantisme inégalé tout en amenant ces géants vers une disparition inéluctable.
L’astéroïde ou le volcanisme n’ont fait qu’abréger leurs souffrances en sifflant prématurément la fin du match. On peut faire le lien avec le gigantisme de la mondialisation lié à des orientations sociétales depuis plus de 50 ans avec un appel politique à l’efficacité salvatrice pour contrecarrer la raréfaction de l’énergie fossile et leurs externalités délétères.
La taille des machines et des entreprises (bancaires, technologiques, de transport maritime, de production d’acier, d’extraction…) sont en constante augmentation depuis les années 80 car tels d’immenses sauriens, les entreprises n’ont pas le choix.
Mais jusqu’à quand…
Ça va le chalet, ou bien ?
Une extinction antérieure à un événement cataclysmique pourrait sembler saugrenu mais ceci est appuyé par une étude du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) que j’ai trouvée à posteriori pour vérifier mon raisonnement.
Cependant, l’étude ne donne pas d’explication claire sur ce déclin et c’est ce point que je vous propose d’expliquer dans la continuité de cette série.
Efficacité et efficience
L’efficience au contraire de l’efficacité considère l’intégralité des coûts :
• le coût direct : la machine en elle-même
• le coût indirect : ce qui a permis de concevoir et produire la machine
• la consommation de la machine
Plus une machine est efficiente, plus elle génère un surplus important par rapport à son coût et de ce fait, plus l’organisme ou la société est efficiente :
• plus elle peut s’étendre et se développer (avantage concurrentiel)
• plus elle résiliente car elle dispose de moyens (surplus) pour résister aux difficultés et aux problèmes rencontrés.
La raréfaction de l’énergie réduit l’efficience
Du jurassique au crétacé, l’augmentation continue du taux d’oxygène (et d’ozone) dans l’atmosphère a réduit l’énergie utile à la photosynthèse et a donc limité la production de biomasse : l’énergie s’est raréfiée pour tous les organismes (des plantes aux carnivores dépendant des herbivores).
Pour les dinosaures proches de l’équateur, la raréfaction de l’énergie a uniquement induit une baisse de de la population car il n’y avait pas de surcoût lié au stockage.
Pour les autres, plus ils étaient éloignés des tropiques, plus la production était également réduite en quantité mais en plus, cette production était limitée à une période de plus en plus courte sur l’année.
Cette raréfaction temporelle a induit un surcoût (nouveau coût en orange ci-dessous) lié au stockage de l’énergie pendant la période de disette.
Cette augmentation de l’efficacité a engendré une baisse d’efficience
Le surcoût induit évidemment une baisse de l’efficience (flèche verte) car il faut plus d’énergie pour obtenir le même résultat mais ceci a un autre effet : le déplacement vers la droite (flèche noire) vers le nouvel maximum d’efficience (point noir).
Limiter la perte d’efficience requiert de devenir plus efficace.
Contre-mesures végétales
Face à une contraction de l’énergie, une méthode consiste à décroitre et à se mettre en pause pendant la période difficile.
Les plantes à graines (gymnospermes) tels que les conifères sont apparues vers -350 Ma (la ligne verte) et les angiospermes (plantes à fleurs et à fruits) ont pris le dessus sur les autres vers -150 Ma (la ligne orange) et ont été ensuite majoritaires dans la plupart des biotopes terrestres.
En effet, les plantes plus petites (décroissance) ont donc gagné le match évolutif car elles étaient avantagées en pouvant réaliser un cycle de croissance-reproduction en quelques mois tout en protégeant leur progéniture dans des graines avec une éventuelle réserve complémentaire d’énergie (fruit).
Source : University of Minnesotat
Contre-mesures animales
Se mettre en « pause » pendant la disette est une alternative animale qui nécessite de se mettre à l’abri dans un trou déjà existant ou à creuser.
Cependant, faire ce changement de stratégie évolutive n’était pas possible car diminuer sa taille et donc son efficacité aurait été encore moins efficient (flèche noire ci-dessous) et donc fatal dans un contexte compétitif (UE vs USA vs BRICS vs …)
Il n’y avait aucune échappatoire pour les machines engagées dans la course à l’efficacité et le résultat était gravé dans le marbre thermodynamique.
L’efficacité, ça coûte un bras
Quand l’efficience baisse au point de mettre l’espèce en péril, celle-ci se débarrasse de ce qu’elle peut afin de tout allouer à sa survie.
Afin de maintenir la croissance, on peut faire un lien avec la baisse du pouvoir d’achat ressenti ou la baisse des investissements à long-terme qui ne se ressentiront que dans plusieurs années voire décennies : éducation, santé, infrastructures publiques.
La limite indépassable
Dès que la courbe orange passe au-dessus de la courbe verte, la zone bleu de rentabilité est inexistante et c’est la fin de la partie pour les machines dépendantes de cette source d’énergie.
Dès lors, l’astéroïde et/ou le volcanisme sont juste venus abréger les souffrances des dinosaures et permettre à la vie dans son ensemble de redémarrer et de se développer dans d’autres voies avec une même source d’énergie « renouvelée » (le rayonnement solaire) par un événement cataclysmique permettant de retrouver un taux d’oxygène atmosphérique plus favorable.
Conclusions
Pour faire face au surcoût induit par la baisse continuelle d'une source d'énergie, les organismes qui en dépendent doivent augmenter leur efficacité et leur taille.
Après une croissance sans contrainte, les sociétés et entreprises humaines sont entrées dans la zone des rendements décroissants en suivant la même voie du gigantisme poussés par la raréfaction des énergies fossiles.
Cette décroissance est partiellement masquée par la détérioration du "capital" accumulé pendant la période faste du milieu du siècle passé.
Cependant, cette stratégie est une fuite en avant qui ne peut que mal se terminer à deux exceptions près :
• s’adapter en faisant un autre choix évolutif visant à décroître dans un contexte collaboratif ;
• utiliser une nouvelle source d’énergie plus efficiente.
Ce dernier point sera l’objet des articles suivants.
Rubrique de Thomas Norway, spécialiste en systémique de l'énergie et père Castor amateur de l’histoire évolutive.
Pour terminer :
"Les analogies, il est vrai, ne décident de rien, mais elles permettent de se sentir plus à l'aise." Sigmund Freud
Dans cette série spéciale "efficience énergétique"
9. Efficacité : produire plus et transporter plus
8. Efficacité : la course mortelle à l’efficacité
7. Efficacité : vers l’infini et l’extinction : Les dinosaures enfin !
6. Efficacité : au début, c’est pas cher
5. Efficacité : le coût de la complexité
4. Efficacité : analogies & astronomie amateure
3. Efficacité : Je ne suis pas gros, je suis efficace !
2. Efficacité : moteur, ça tourne… action !
1. Efficacité : oui, mais c'est cher ! Une perte ou un gain ?