Efficacité : vers l’infini et l’extinction : Les dinosaures enfin !
Par Thomas Norway - Dans la série d'articles sur l'efficience énergétique – Quand on pense au nanisme et au gigantisme du règne animal, on ne peut que penser à un moment aux dinosaures et à leur extinction liée probablement à la chute d’un astéroïde et/ou à un volcanisme important.
Les animaux qui veulent occuper la niche écologique utilisant un pic annuel de production de nourriture ont un surcoût induit par le stockage de cette nourriture.
Ce surcoût implique d’augmenter leur efficacité pour limiter la dégradation de leur efficience et être plus compétitifs au "jeu" de la sélection naturelle. Mais cette augmentation d’efficacité implique pour l’animal de devenir plus grand / gros / massif.
Analysons donc cet épisode dinosaurien de gigantisme à l’aune de ces conclusions.
Le nanisme et le gigantisme abyssal
J’apprécie beaucoup la chaîne youtube « Balade mentale » que je conseille et je me permets de rebondir sur sa récente vidéo : "géants des abysses".
Dans les abysses, la plupart de l’énergie disponible est la continuelle "neige marine", des résidus biologiques qui s’accumulent et s’agglomèrent lors de leur descente vers le fond.
De ce fait, la majeure partie de la vie abyssale est composée d’une faible quantité (car la neige marine est peu dense) de petites bêtes (car disponible en permanence)
Par contre, pour les prédateurs, la nourriture est peu dense, car la quantité de vies est limitée, difficile à trouver et à attraper (disponibilité non permanente). De ce fait, les prédateurs doivent devenir efficace et donc grands et gros afin de pouvoir survivre entre deux prises.
Ceci est renforcé par la chute d’une grosse bestiole qui ne flotte pas à son décès (baleine, rorqual, cachalot) car cet apport est aussi énorme que rare.
Les dinosaures, enfin !
Naissance : 240 millions d'années (Ma)
Heure du décès : 66 Ma (extinction Crétacé-Paléogène)
Motif du décès probable : Gros caillou spatial en éruption volcanique avec sa salade de saison et frites en supplément.
La taille du bestiau impliquerait logiquement une disponibilité annuelle de la nourriture très variable et majoritairement concentrée sur une très courte période d’orgie chlorophyllienne en mode "La grande bouffe" de Ferreri mais pour reptiles.
Bref, la végétation devait être luxuriante mais quelques mois sur l’année ce qui contraste un peu avec l’image que j’en avais.
La météo et le climat du crétacé
Les plantes ont besoin de soleil et d’eau pour photosynthétiser des aliments pour dinos et donc voyons ce que racontait la météo et le climat dans cette période.
Evolution de la température terrestre depuis 500 millions d’années par rapport
à la moyenne 1960-1990 (source wikipédia)
Durant le jurassique (J) et le crétacé (K), il faisait monstre chaud avec entre +2 et 10°C par rapport à la moyenne de 1960-1990 (voir encadré rouge avec une flèche) et si il fait chaud, l’eau s’évapore plus et il devait pleuvoir à la roille avec de sacrées rincées (il pleuvait beaucoup).
D’ailleurs, si on regardait le taux d’oxygène dans l’atmosphère qui augmente durant la période (voir encadré rouge ci-dessous) ?
Evolution du pourcentage d’oxygène dans l’atmosphère depuis 1 milliard d’année (source wikipédia)
Comme l’oxygène atmosphérique est lié à la photosynthèse, tout semble bien se passer au début et ensuite (cercle vert), l’augmentation s’essouffle et semble buter sur une limite.
Mon franc a fait tilt !
Pourquoi l’extinction du permien-Trias (vers -300 Ma) ?
De bleu de bleu, on a donc un nouveau un pic d’oxygène vers -300 Ma (voir graphique ci-avant) et une extinction conjointe… intriguant !
L’influence de l’oxygène
Les raies spectrales des principaux gaz atmosphériques.
Source : https://pace.oceansciences.org/atmos_light.cgi
Source : Absorption of spectra of atmospheric gases in the shortwave and longwave range
(after Henderson-Sellers and Robinson, 1986; and after Goody, 1995.
Quand c’est bleu, le rayonnement est bloqué et ce, qu’il vienne du soleil ou de la terre.
De gauche à droite :
- L’oxygène (O2) et l’ozone (O3) bloquent les rayonnements de hautes énergies du soleil dont les ultraviolets qui donnent le cancer de la peau
- Le spectre visible (les couleurs de l’arc en ciel) est bloqué par l’oxygène, l’ozone et l’eau (H2O)
- En orange, la fenêtre de radiation infrarouge, c’est dans ce petit intervalle entre l’ozone, les oxydes nitreux, le méthane, le CO2(*) et la vapeur d’eau que notre planète évacue la chaleur avec du rayonnement infrarouge.
(*) : le CO2 est le gaz à effet de serre dont on parle le plus mais ce n’est pas le seul.
Quand il y a plus d’oxygène, il y a plus d’ozone et ceci a deux effets intéressants quand leur concentration augmente :
- Ils bloquent le rayonnement visible, ce même rayonnement qui fait pousser les plantes
- L’ozone bloque aussi le rayonnement infrarouge émis par la terre (effet de serre), il maintient la température malgré la réduction du rayonnement.
Donc l’O2 et l’O3 réduisent la production de nourriture sans (trop) refroidir la planète grâce à l’effet de serre de l’O3.
L’influence de l’axe de rotation de la terre
Si une partie de l’énergie solaire est bloquée par l’oxygène et l’ozone alors il y a moins d’énergie et donc moins de production et ceci est renforcé par la rotation de la terre.
Ce qui donne un flux énergétique solaire (insolation en W par m²) différent selon le lieu où l’on se trouve sur la terre.
En effet, on peut distinguer trois zones :
- L’équateur en bleu : il est correctement exposé toute l’année
- Les tropiques en vert : ils sont mieux exposé que l’équateur pendant 4 mois (été) et moins bien exposé le reste de l’année
- Au-delà des tropiques en rouge et jaune, cette différence est exacerbée.
Influence de la position des continents
Source projet « Paleomap » http://www.scotese.com/earth.htm qui donne les cartes de la position probable des terres émergées à différentes époques et ci-dessous les cartes de la période qui nous intéresse
Les dinosaures
Etant donné l’analyse supra, la production de nourriture devait être concentrée sur une période d’autant plus faible que l’on s‘éloigne de l’équateur et des tropiques (lignes rouges).
Logiquement, les gisements de fossiles de gros dinosaures devraient se trouver dans les zones mauves. Bingo !
Les gisements de fossiles des plus grands dinosaures se retrouvent en majeure partie dans les zones mauves estimées ci-avants : Amérique du nord, Amérique du sud, Afrique du sud, Inde, Europe et en Chine.
Décès par défaut d’efficience ?
La théorie proposée semble tenir ses promesses mais celle-ci contient également un autre élément qu’il faut aborder.
L’oxygène ne cessant d’augmenter, provoquant une diminution du rayonnement utile à la photosynthèse, la production de nourriture se réduisait en quantité en entrainant le gigantisme mais également une baisse continue de l’efficience ce qui peut être passablement ennuyeux pour survivre tant pour ces reptiles que pour les plantes.
Oxygène
Etant donné l’augmentation continue d’oxygène dans l’atmosphère, les plantes produisaient de moins en moins de nourriture sur une période de plus en plus courte sur l’année, ce qui a obligé les dinosaures à devenir de plus en plus efficace et donc à s’essayer à un gigantisme inégalé.
Cette théorie est bien appuyée par la répartition des gisements de fossiles de grands dinosaures.
Rubrique de Thomas Norway, spécialiste en systémique de l'énergie et père Castor amateur de l’historie évolutive.
Pour terminer :
"L’indicateur PIB ne déconne pas, il indique très bien où il ne faut pas aller !" Thierry Caminel
Dans cette série spéciale "efficience énergétique"
7. Efficacité : vers l’infini et l’extinction : Les dinosaures enfin !
6. Efficacité : au début, c’est pas cher
5. Efficacité : le coût de la complexité
4. Efficacité : analogies & astronomie amateure
3. Efficacité : Je ne suis pas gros, je suis efficace !
2. Efficacité : moteur, ça tourne… action !
1. Efficacité : oui, mais c'est cher ! Une perte ou un gain ?