Germany versus France : du mauvais usage de la monnaie

 Par Thomas Norway – Pour clore ce hors-série, je vais commencer par la fin en citant le grammairien belge Maurice Grevisse, auteur du livre : Du bon usage.  "Le bon usage? C'est une histoire que j'appellerais volontiers une histoire d'illusions d'abord perdues, mais réalisées ensuite."
La monnaie est un intermédiaire facile d’usage mais qui reste une convention commune et arbitraire. C’est une valeur, un outil imaginé afin de faciliter les échanges.

L’euro est plus aisé à manier que le KWh ou le joule et le chat du Cheshire du pays des merveilles l’exprime si bien "L'imagination est la seule arme dans la guerre contre la réalité".  Cependant, facile ne veut pas dire correct et moins cher ne veut pas dire pas cher.

 

Schéma sociétal initial 

B&S = Biens et Services !

Ce schéma est une simplification du contexte global afin de rendre les mécanismes à l’œuvre plus faciles à appréhender. Ce "modèle" ne se compose que de deux pays :
• Un pays uniquement producteur et exportateur de pétrole : il échange son pétrole contre des biens de services pour produire du pétrole (0,1) et pour le confort de sa population (1,9). C’est le pays A avec comme moyen mnémotechnique : Arabie Saoudite.
• Un pays sans ressource pétrolière et importateur de pétrole que je dénommerais pays B comme Belgique.

La couleur noire représente le pétrole qui est utilisé pour faire de l’électricité ou de la chaleur pour les ménages et les entreprises.

Le système de production en bleu (les entreprises)

La couleur bleue représente donc les biens et les services produits (écrit B&S) par les entreprises et disponibles pour le reste du système :
• Biens : chaise, voiture, pelleteuse, poutrelle d’acier, usine, derrick, ordinateur, sèche-cheveu, briques, nourriture, médicaments,…
• Services : géologue, assureuse, juriste, coiffeur, éboueuse, enseignant,  maçonne, concepteur d’usine, médecin, ouvrière soudeuse,…

Pour produire des Biens et Services, il faut de l’énergie donc tous les Biens et Services sont le résultat de la consommation de pétrole (pas de pétrole, pas de Biens et Services !)

Les ménages sont des consommateurs nets, ils ne produisent rien.

Concernant la monnaie, seul le flux monétaire (en mauve) entre les pays exportateur et importateur est représenté :
• C’est la balance commerciale dans laquelle la monnaie n’est qu’un intermédiaire :
  ◦ A vend du pétrole à B contre des euros. 
  ◦ B va produire des Biens et Services avec ce pétrole
  ◦ A va utiliser ces euros pour acheter une partie des Biens et Services que B a produit
        ◦ A et B n’ont pas le choix, ils sont dépendants l’un de l’autre. B est dépendant du pétrole et A de la production de Biens et Services de B

• on ne considère pas l’inflation. S’il y a de l’inflation, le prix des B&S augmente et le pays A augmente alors immédiatement le prix du pétrole pour obtenir la même quantité de Biens et Services : 
        ◦ Avant inflation : 1 baril de pétrole = 100€ et 100€ = 100 briques
        ◦ Après inflation : 100 briques = 150€
        ◦ Le prix du baril de pétrole monte à 150€
        ◦ Donc 1 baril vaut toujours 100 briques parce que le pays A veut 100 briques (la même quantité de Biens et Services)

 

Première étape

Pour faciliter la compréhension, je vais prendre l’hypothèse d’un état stationnaire, le système est à l’équilibre et stagne : pas d’innovation, la production est stable, la population reste constante, le puits de pétrole ne se vide pas et tout le monde est satisfait malgré la dépendance mutuelle qui repose sur un prix du baril fixé à 100€.

Définition de stationnaire : Qui demeure un certain temps dans le même état ; qui n'évolue pas.

Le système n’est donc pas figé dans le temps !

Voyons maintenant l’intérêt et la portée des différents prix : de marché, technique et affiché.

 

Le prix de marché

Le prix de marché, c’est normalement le prix de rencontre entre l’offre et la demande. Normalement car dans la vrai vie, l’OPEP(+) est un cartel qui peut imposer un prix soit directement (source : Wikipédia) :
"…pendant la guerre du Kippour, les pays arabes membres de l'OPEP, alors réunis au Koweït, décident d’augmenter unilatéralement de 70% le prix du baril de brut…"
Soit indirectement en baissant la production et donc l’offre ce qui fait monter le prix.

Dans cet exemple simplifié, le prix de marché est la valeur monétaire des Biens et Services dont le pays A a besoin pour assurer le statuquo, la stabilité du pays (2 Biens et Services) : cf. l’hypothèse d’état stationnaire et la note sur l’absence d’inflation.

Le prix de marché du baril de pétrole est donc de 100€.

 

Le prix technique

Il ne vous aura pas échappé ceci :


Comme le système est stationnaire, la production est constante mais pourtant les machines s’usent et se dégradent, les humains se blessent, décèdent ou prennent leur retraite et il faut donc remplacer ces Biens et Services.

Il y a donc un faible flux continu de Biens et Services vers la production pétrolière.

Comme le baril de ce système stationnaire vaut 100€ et que ce montant permet d’acheter 2 Biens et Services alors, avec une règle de 3, le prix technique du baril de pétrole est de 5€ (0,1 Biens et Services).

Ces Biens et Services ont une valeur monétaire (5€) qui représente le prix technique : le coût permettant la continuité de la production de pétrole permettant de produire la même quantité de  Biens et Services et d’assurer la stationnarité du système.

 

Le prix affiché

Le prix qui est affiché sur les Biens et Services que nous consommons est composé de plusieurs éléments :
• Le prix de marché, le prix de l’énergie
• Les salaires des travailleuses et travailleurs 
• Les bénéfices et dividendes des entreprises = « salaire »
• Les taxes et accises = rôle redistributif de l’Etat, du Pouvoir.


"Le salaire"
Le "salaire" est simplement le "consensus" socio-politico-économique de ce que rapporte ce "travail".
Il peut être déterminé subjectivement par le marché via l’offre et la demande (cf. la science sociale économique) ou subjectivement imposé par des lois (science sociale juridique).

Sans enfant, il n’y aurait pas de futur et donc j’ai un enfant. Mais comme j’exerce le métier d’ingénieur, je ne peux pas m’occuper de mon enfant en journée.
Donc sans puériculteur ou enseignant, je serai dans l’incapacité d’exercer mon travail actuel et il n’y aurait pas de production de Biens et Services.

C’est donc un travail d’équipe dont la redistribution des richesses produites est purement arbitraire.

 

Le rôle de l’Etat

Un Etat est un organe politique contrôlé par un groupe de personnes donné dont l’objectif est de desservir les intérêts et les souhaits des personnes lui permettant de rester au pouvoir et je conseille "The Dictator's Handbook" à ce titre.

Par la loi ou la force, un Etat a un rôle redistributif également purement arbitraire : il prélève à un groupe (riches ou pauvres) pour le donner à un autre (riches ou pauvres).

Le prix affiché est donc un prix totalement arbitraire et est la représentation monétaire de "Qui a droit à quoi".

 

Seconde étape : "pas cher et moins cher".

Que devient notre société si on change d’état stationnaire en modifiant uniquement le prix technique par la modification du nombre de Biens et Services requis pour maintenir la production.

Pour forcer le trait et mettre en évidence le mécanisme, je l’augmente drastiquement de 0,1 à 1,5 Biens et Services pour une même production d’énergie (pétrole).
Etant donné que la production totale de Biens et Services reste identique : 1 baril de pétrole = 10 Biens et Services disponibles pour le reste du système.

Alors ce qui reste et qui peut être partagé entre les Etats et les ménages diminue :
• Première étape : 10 Biens et Services produits dont 0,1 devant être obligatoirement utilisé pour la production de pétrole = 9,9 à partager
• Seconde étape : 10 Biens et Services produits dont 1,5 pour la production de pétrole = 8,5 à partager = une baisse globale de 14%

Cette baisse globale doit être répercutée entre les deux pays soit de manière équitable (-14% pour tous les ménages) ou soit inéquitablement :

Premier cas de figure : 

 

Le pays A est en position de force et conserve donc 1,9 B&S pour la consommation des ménages. Dès lors, il ne reste plus que 6,6 B&S pour les ménages du pays B contre 8 dans la situation initiale.

 

Second cas de figure : 

Le pays B est en position de force et souhaite en prime augmenter la consommation de ses ménages en passant de 8 à 8,1. Dès lors, il ne reste plus que 0,4 Biens et Services pour les ménages du pays B contre 1,9 dans la situation initiale.

Une modification du prix technique modifie la production globale qui peut être répercutée arbitrairement via des lois, la force, le marché, des accords, l’équité…

Ce cas de figure permet d’illustrer que les Ménages de B peu conscients du système global (complet) pourraient penser que l’énergie est « pas chère » alors qu’elle est seulement "moins chère" en ayant fait porter la charge de la différence à d’autres (les ménages de A) :  "C’est foutre Paul à poil pour mieux habiller Pierre".

 


Prise de conscience

Le prix technique est le prix qui conditionne l’économie globale et il ne doit pas être confondu avec le prix de marché ou le prix affiché : moins cher ne veut pas dire pas cher.

Les Etats membres tels que la France et l’Allemagne devraient en prendre conscience et intégrer ceci avant de se chamailler inutilement car on ne négocie pas avec la physique, on la subit.

Et pour compléter le chat du Cheshire : "L'imagination est la seule arme dans la guerre contre la réalité mais peu importe les moyens déployés, la réalité gagne toujours !"


Hors-série de Thomas Norway, artiste en systémique de l'énergie.  "Je ne suis pour ou contre aucune technologie, je suis pour la compréhension du problème et l’acceptation démocratique des conséquences de nos choix."

 

Et pour terminer :
" Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre" 
" Quelqu’un d’égoïste, c’est quelqu’un qui ne pense pas à moi".

 

 

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