Germany versus France : seconde manche

Par Thomas Norway – Suite à la première manche technique désavantageant économiquement l’Allemagne, il est l’heure de laisser de côté les lois physiques pour passer aux choses sérieuses, longues, détaillés, relues, validées, votées, enterrées, retrouvées, modifiées, adaptées et souvent incompréhensibles pour le commun des mortels : les lois des humains.

Ces lois disent ce qui est bien ou pas bien ; ce qui mérite d’être subsidié, interdit ou toléré.

 

C’est donc l’heure du juridisme européen ! On se munit du laissez-passer A38 et du bien nécessaire formulaire rose au guichet 12, deuxième étage, escalier B, couloir W.

A vos aspirines, prêts, légiférez !

 

Extrait des 12 travaux d’Astérix et l’obtention du laissez-passer A38

 

De l’hydrogène pas cher !!

Une économie à faible émission de CO2 requiert de l’hydrogène pour produire de l’électricité ou de la chaleur industrielle et, évidemment, moins l’hydrogène est cher, mieux l’économie se porte.

Comme cet hydrogène serait produit principalement avec de l’électricité, celle-ci doit être (très) bon marché.

La détermination actuelle du prix spot de l’électricité européenne est un choix politique car il existe d’autres mécanismes possibles et valables.

Ce mécanisme donne un prix de marché unique pour tous les producteurs par heure :
    • La demande est forte par rapport à l’offre, le prix unique augmente
    • La demande est faible par rapport à l’offre, le prix unique baisse et peut être négatif (voir ci-dessous, le prix était négatif dans la plupart des pays européens entre 08h et 17h avec un « pic » à -500€le MWh) 

Dimanche 2 juillet 2023: le prix de l'électricité
était négatif dans la plupart des pays européens
entre 08h et 17h avec un « pic » à -500€le MWh


Ce prix unique est valable pour une zone géographique donnée et plus il y a d’interconnexions entre les pays, plus l’électricité peut circuler en grande quantité et plus le prix unique s’uniformise à large échelle.

 

Revenons-en au problème économique de l’Allemagne :

Comment faire de l’hydrogène moins cher qu’en France ?

Avec de l’électricité gratuite ou, encore mieux, être payé pour la consommer ! Justement, l’intégration des EnRV (énergies renouvelables variable) conduit de plus en plus régulièrement à des prix spot négatifs.

 

Sauf que ça ne marche pas avec la production d’énergie nationale car ce qui est gagné pour votre économie nationale (être payé pour consommer) provient de quelqu’un d’autre dans cette même économie nationale (devoir payer pour produire).

 

A l’échelle nationale, c’est donc un jeu à somme nulle !

Donc : 
    1) Il faut qu’un autre pays produise cette électricité (en Europe ou ailleurs)

    2) Mais attention par contre, il faut impérativement être le plus rapide sur la production d’hydrogène!

En effet, le premier pays qui aura le plus de capacités d’électrolyse :
• Rentabilisera plus rapidement l’investissement initial très onéreux 
• pourra ensuite proposer un prix de rachat plus élevé que les autres (une maison déjà remboursée pourra être louée à un prix plus bas que la même maison toujours sous crédit)
• investira dans encore plus de capacités avec les bénéfices de la vente de l’hydrogène
• dominera finalement le marché en profitant du profil de production en cloche des EnRV.

 

 

Comme on le voit sur ce graphique moche, si on rajoute de la puissance (KW), la quantité d’électricité en surplus (KWh) augmente de manière non linéaire.

Initialement en vert avec une puissance P, il y a peu de jours, peu d’heures et peu de surproduction par rapport à la demande en bleu.

En rajoutant 20% de puissance (1,2 P), la surproduction en jaune devient importante.

En rajoutant 40% de puissance(1,4 P), la surproduction supplémentaire orange est supérieure à la précédente.

Le pays qui aura et augmentera le plus rapidement sa production d’hydrogène pourra compter sur une manne plus importante et plus constante que les autres en proposant un prix de rachat plus élevé sur le marché spot.  En effet, le rectangle mauve inférieur est beaucoup plus intéressant que le supérieur pour un investissement en électrolyseur équivalent. 

L’engouement et l’accélération de certains n’est donc pas surprenant.

Et pour mettre tout ça en musique, rien de tel qu’un bon gros "green deal européen."

 

Le «Green» deal

Règle 1 : Il faut pousser les autres à produire plus d’énergie EnRV en imposant un seuil de 40% d’énergie renouvelables pour 2030. Ces investissements sont également encouragés via des subsides européens. De plus, il faut aussi pouvoir importer cette électricité et les interconnexions seront renforcées et subsidiées.

Règle 2 : Les électrolyseurs sont subsidiés.  

Donc l’Allemagne part avec des avantages : un taux d’endettement faible, grande puissance EnRV déjà installée mais également de l’industrie pour produire les électrolyseurs (5 des 20 plus grands producteurs mondiaux )

Mais, mais, mais… il y a encore une dernière règle à ne pas oublier pour être bien certain d’arriver premier.  

Règle 3 : on évite les atomes dans la chaussure car l’électricité nucléaire a des inconvénients mais également des avantages : faible émission de CO2, pilotable et peu chère. 

 

Le renewable deal

Sachant que l’électricité nucléaire produit moins de CO2 que les EnRV sans même considérer les pertes de stockage qui salent l’addition, elle devrait rentrer dans le cadre du green deal qui vise surtout à réduire les émissions de CO2 et pourtant, le nucléaire est souvent convié législativement à aller se faire fissionner un atome ailleurs.

Dans la même logique, l’hydrogène produit sur base atomique ne serait pas labellisé vert et sera donc moins intéressant selon les critères législatifs malgré son prix inférieur.

Sans oublier que des tensions politiques sur une technologie n’encouragent pas les investisseurs à investir (taux d’emprunt plus élevé).

Dès lors, pas étonnant que l’apaisant Imperator des français Emmanuel Mirifique Merveilleux Modeste Macron lance son propre groupe de lobbying en faveur du nucléaire (et donc de la France) et commence à obtenir des résultats.

Le nucléaire n’est certes pas la panacée et les EnRV sont obligatoires pour limiter les dérèglements climatiques mais pourquoi diantre autant de mesquineries pour des enjeux économiques nationaux alors que nous sommes censés jouer dans la même équipe européenne pour un même objectif mondial… bref… Vu le niveau général, l’UE devrait peut-être engager des instituteurs et institutrices primaires pour gérer ces comportements bac-à-sable.

 

Y a en plus, je vous le mets quand même ?

L’autre atout des français, c’est l’hydroélectricité que l’union européenne s’entête et s’obstine contre vents et marées à faire libéraliser. Quand on voit le résultat des autres libéralisations, on se demande bien pourquoi…  ou encore, faire perdurer l'ennuyeux Arenh en excluant les centrales nucléaires existantes des contrats pour différence

 

Conclusion

Pour tordre la réalité physique, certains pays se servent de la législation pour garantir leur prospérité économique nationale future au détriment des autres. Pas étonnant que ces derniers n’apprécient pas et se défendent pour atteindre le même objectif.

Pas certain que le terme "Union" Européenne soit adapté à la situation mais bon… ce qui est bien avec ce genre de logique puérile, c’est qu’on risque tous de perdre car on aura lâché la proie pour l’ombre car "mieux n’est pas forcément bon."

 

Hors-série de Thomas Norway, artiste en systémique de l'énergie.  

"Je ne suis pour ou contre aucune technologie, je suis pour la compréhension du problème et l’acceptation démocratique des conséquences de nos choix."

 

Et pour terminer :
"Les grands artistes sont ceux qui imposent à l'humanité leur illusion particulière." Soit dit Maupassant 

 

 

 

 

 

 

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