Les pays les plus puissants pourront-ils réduire leur consommation d’énergie?
Dans les années à venir, comment la Chine, les Etats-Unis, la Russie, l’Allemagne et l’Inde vont-ils se répartir le pétrole, le gaz et le charbon restant? Ces trois armes de puissance massive régulent le classement mondial du pouvoir de ce que l’on appelle, à juste titre, les grandes puissances.
A l’heure où le réchauffement climatique et l’accès aux matières premières commencent à mordre, personne ne semble vouloir lâcher d’un iota son rang. On assiste même à une fuite en avant afin de figer son score avant que la fin de la partie ne sonne, avec comme point chaud la nouvelle guerre froide entre Pékin et Washington.
Maîtriser l'Energie
Grâce au feu, l’homme prit un avantage concurrentiel calorifique en faisant cuire ses aliments ainsi que la viande, ce qui lui permit de démultiplier la taille de son cerveau. Aucun autre animal n'en aura fait autant. Cette maîtrise de l’énergie engendra sa suprématie.
Aujourd’hui, le potentiel d’une nation se mesure à sa capacité financière, sa démographie et surtout à son niveau de consommation énergétique. Une baisse équivaut de facto à une diminution de puissance et par ricochet une perte de richesses et d’emplois.
Avec de pareilles règles du jeu, il n’est pas étonnant qu’aucune grande puissance ne tente l’expérience.
L’avion de chasse le plus gourmand
Signe de puissance, les armées américaines et chinoises sont les plus gourmandes du monde. Du côté des armes emblématiques, l’attrait du chasseur F-35 provient de sa capacité à engloutir plus de 6000 litres de pétrole à l’heure.
Du côté des cinq membres permanents de l’ONU, tous possèdent l’arme nucléaire, symbole ultime de l’accès à l’élite et la respectabilité. C’est à cette destinée que travaillent la Corée du Nord, l’Arabie saoudite et l’Iran.
Le revirement de l’Australie en faveur de sous-marins atomiques américains s’inscrit dans cette symbolique. En Suisse, la sélection de l’avion de chasse le plus gourmand du marché a pour but de caresser un sentiment de sécurité et de fierté.
A une échelle plus réduite, la lutte des multimilliardaires, qui utilisent l’espace pour étaler leur puissance, est révélatrice. Au-delà des comptes en banque, ils mesurent leur démesure à la capacité de brûler le maximum de carburant en moins de dix minutes.
Le seul intérêt de la démarche est d’estimer le nombre de likes que Nabilla obtiendra pour un selfie en apesanteur.
La Chine et les Etats-Unis sont partis dans une surenchère afin de pousser l’adversaire à la faute. Le perdant sera celui qui n’arrivera pas à trouver assez de pétrole et de gaz, ou une autre source d’énergie suffisante, afin d’alimenter sa croissance et son armée. A ce stade, les énergies renouvelables n’ont pas le potentiel de peser lourd dans le débat, sauf pour les petites nations qui n’auront d’autre option que de se répartir les miettes.
Qui ouvrira le parachute en premier?
A regarder de plus près, les comportements géostratégiques face à la pandémie de covid confirment que chaque pays tend à s’accaparer égoïstement des ressources nécessaires à son succès.
La probabilité pour que les grandes puissances s’accordent afin de diminuer unilatéralement leur consommation d’énergie peine à passer du rêve à la pratique. Au lieu de collaborer, chacun œuvre en secret afin de trouver, avant l’autre, le graal qui permettra de gagner un rang. Les travaux dispersés sur l’hydrogène peignent le mieux cette caricature.
La question est de savoir quelle grande puissance ouvrira le parachute en premier. Historiquement, les pandémies, les guerres, les crises ou les révolutions sont moteurs de changement. La première option vient d’être testée sans succès. Une crise climatique ou financière a les faveurs des viennent-ensuite.
En attendant, la Chine vient d’augmenter sa consommation d’énergie de 13%. Joe Biden demande d’accélérer les extractions pétrolières. La construction du gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne s’est achevée. Mais au fait, combien de parachutes reste-t-il?
Article également publié dans le journal Le Temps