Les grandes manœuvres énergétiques ont débuté

La crise énergétique serait-elle en train de rebrasser les cartes mondiales de la géopolitique?

Effets de bord imprévus de la guerre en Ukraine, les préoccupations urgentes en matière de sécurité énergétique de l’Europe diminuent l’accès à l’énergie dans les pays les moins nantis. Avec des budgets illimités, Bruxelles aspire le gaz et le charbon sur les marchés financiers. Ainsi, les pays européens se permettent de débourser sans compter pour acheter du gaz méthane alors que les nations plus pauvres, comme le Pakistan ou le Bangladesh, ne peuvent rivaliser en termes d’imprimantes à billets.

 

Durant l’été, le Pakistan a été incapable de gagner des ventes aux enchères gazières. Par conséquent, le pays est criblé de black-out électriques.

Paradoxalement, cette soif occidentale de calories va devoir se passer du grenier énergétique mondial: la Russie. Dès le mois de décembre, l’Europe renoncera au pétrole russe et dès février, à son diesel.

L’ampleur de cette décision n’est pas encore connue, mais elle a le potentiel d’accentuer le phénomène. De plus, tant Bruxelles que Washington expriment la volonté de sortir des énergies fossiles dès 2030, ce qui implique une redéfinition des flux d’énergie à travers le monde. Le statut de "meilleurs clients" est en train de changer de camp.

 

A la recherche de nouveaux clients fidèles

Dans ce nouveau contexte, pour assurer l’entrée des pétrodollars, Moscou et les membres de l’OPEP cherchent de nouveaux prospects et regardent en direction des nations moins nanties.

Les livraisons de pétrole et de gaz, à prix d’ami, vont les aider dans leur quête de développement. Ainsi, le Sri Lanka, qui subit de plein fouet une crise sociale et économique, a importé une quantité record de pétrole russe pour tenter de remonter la pente. Une fois la dépendance installée, Moscou pourra compter sur un client fidélisé.

L’Arabie saoudite fait le même constat. Riyad montre une défiance de plus en plus grande face à Washington et semble prêt à abandonner l’accord démarré dès 1945: protection militaire contre pétrole. La dernière banderille en date fut plantée alors que Joe Biden exigeât une hausse des extractions pétrolières de l’Arabie. Le prince héritier Ben Salman fit exactement le contraire.

 

Xi Jinping, ce grand frère

Ce basculement ne peut réussir qu’avec l’aide d’une grande puissance capable de garantir un socle de consommation minimal et un rôle de protection militaire. Xi Jinping est devenu ce grand frère.

Grâce à cette configuration, même si le gouvernement de Vladimir Poutine devait tomber, il est devenu improbable que l’Europe puisse s’approprier les gisements russes, et Washington ne pourra pas forcer l’Arabie saoudite à compenser la chute de la production de schiste américain.

Même l’Iran s’est installé sous le protectorat chinois et les manifestations actuelles ne devraient pas changer cette donne.

 

Qui dirige le monde: Climat ou Energie?

Pékin, déjà omniprésent en Afrique et en Amérique latine, voit son intérêt afin d’assurer son approvisionnement en matières premières et de devenir l’ambassadeur énergétique dans ces pays stratégiques. Xi Jinping sait que pour effectuer une transition vers les renouvelables, il aura besoin d’une grande quantité d’énergies fossiles dans les processus de fabrication. La réalisation de panneaux solaires bon marché repose sur une électricité produite avec du charbon.

Dans ce contexte, tant Washington que Bruxelles vont devoir continuer leur désindustrialisation trop gourmande en énergies fossiles et se focaliser sur une économie de services qui dépasse déjà les 70% du PIB.

Ce mois, le conglomérat allemand BASF a annoncé la fermeture de certaines usines allemandes pour se développer en Chine. Il reste à savoir comment les Occidentaux pourront sécuriser un accès aux installations d’énergies renouvelables et se positionner face à ce nouveau bloc.

L’agilité et l’adaptation sont de rigueur.

Dans ces interactions naissantes et une situation totalement déstabilisée, le désintérêt total pour la COP27 en Egypte est compréhensible. Ce n’est pas le climat qui impose son calendrier, mais l’Energie, car elle a le potentiel de contrôler le monde.

 

Egalement publié dans le Journal Le Temps

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