Trump face au Monde : Drill baby drill
Trump retourne au pouvoir avec une volonté de domination, alors que Bruxelles s’est rendue à Budapest paralysée par son écroulement. Un monde de différence entre Washington, qui déborde d’hydrocarbures, et une Europe en panne de gaz.
Depuis plus de cent ans, l’ère industrielle s’est bâtie grâce à la démultiplication de l’énergie. Diminuer la quantité de calories introduites dans le système ralentit automatiquement le moteur.
La dominance énergétique
En reprenant les rênes de son pays, Donald Trump doit impérativement trouver un maximum d’or noir afin, a minima, d’éviter une récession ou de solidifier une croissance qui atteint les 2,8% aux Etats-Unis. Dès 2010, Barack Obama avait pu compter sur l’arrivée providentielle du gaz et du pétrole de schiste pour se sortir de la crise.
Dès 2016, grâce à cette manne, Trump édicta sa doctrine de dominance énergétique, et de facto de puissance ultime sur le reste du monde, particulièrement sur la Chine.
Son successeur Joe Biden reprit le même flambeau et y ajouta des subsides massifs pour aspirer vers les Etats-Unis les entreprises européennes d’énergies vertes.
A la recherche du pétrole
Pour la Maison-Blanche, tout miser sur les hydrocarbures peut s’avérer risqué, car le schiste américain montre des signes d’épuisement, alors que le pays reste le plus grand extracteur au monde, loin devant l’Arabie saoudite et la Russie.
Cependant, les importantes découvertes de brut lourd au Guyana, par ExxonMobil et Chevron, ouvrent une nouvelle ligne de crédit énergétique pour Washington. ExxonMobil vient d'arriver à des extractions des 500'000 barils par jour en Guyane
Même si l’Arabie saoudite lorgne de plus en plus du côté de l’Eurasie et des BRICS, surprise, il ne serait pas de voir Donald Trump se rendre à Ryad.
L'Europe sevrée de méthane suite à la guerre en Ukraine
Du côté des Européens, l’urgence a sonné dès l’annonce de la nouvelle présidence américaine.
Selon Mario Draghi, «l’Europe doit réellement craindre pour sa survie économique.» Le rapport de l’ancien premier ministre italien tire un constat alarmiste sur une compétitivité européenne à l’agonie, une intelligence artificielle inexistante, un manque de vision ainsi qu’un accès difficile aux financements.
Dans ce domaine, on notera les effets pervers des centaines de milliards de dollars investis par la Banque nationale suisse dans les actions américaines, qui concurrencent frontalement les entreprises suisses et européennes, qui, elles, peinent à trouver des fonds.
Dans les discussions européennes, deux grands absents: le pétrole et le gaz. L’oubli est saisissant alors que l’hécatombe des industries allemandes et françaises s’accélère. Fortement dépendante au méthane russe bon marché, Berlin subit une désindustrialisation inquiétante dans ses piliers: acier, chimie, engrais et automobile.
Même si les prix du gaz ont diminué, ils restent deux fois plus élevés qu’avant la guerre en Ukraine. Ajoutés au retard technologique, les licenciements s’accumulent. En Allemagne, comme en France, l’équation du budget et les craintes d’une récession paralysent.
De son côté, la dette américaine (36 000 milliards de dollars) est appelée à exploser, sans émouvoir Washington. Même pour le pétrole, le dollar reste incontournable.
Le climat ne fait plus recette
Dans cette course économique, le réchauffement climatique n’a plus son mot à dire, alors que l’année 2024 dépasse le +1,5 °C. Aucun pays, aucun, n’a entrepris de sérieuses réflexions pour trouver des moyens de détricoter les liens entre économie et hydrocarbures, le tout sans démanteler les emplois. En 2024, les émissions de CO2 battent des records et la COP29 sur le climat, noyautée par les pétroliers et les gaziers, se terminera en queue de poisson, et cela sans l’aide de Trump. (Ne serait-il pas judicieux d'énumérer les COP en nombre décroissant et dès que nous serons à zéro, tout sera dit.)
Une course entre Chine et Etats-Unis
Afin de garder son leadership sur le monde et surtout sur la Chine, alors que le pétrole et le gaz s’épuisent, la présidence américaine n’a pas d’autre choix que de continuer cette course-poursuite énergétique où le premier qui n’arrivera pas à suivre devra abandonner.
Abandonner, c’est dans cette position inconfortable qu’a été poussée l’Europe.
Reste à savoir si cela permettra au Vieux-Continent de se relever en premier. Mais, pour l’instant, le plus douloureux est peut-être le fait d’entendre la sentence donnée par Donald Trump: «Drill baby, drill».
Article publié dans le journal Le Temps