Sommes-nous en train de revivre la crise de 2008?

L’organisation des pays exportateurs de pétrole, l’OPEP, a convenu de prolonger les réductions des extractions pétrolières jusqu’en 2025, tout en se laissant la possibilité de revisiter cette stratégie d’ici à l’automne. Le pétrole est le sang qui coule dans les veines de l’économie et la position de l’OPEP résonne comme un indicateur d’incertitude sur la croissance mondiale à venir.

Bien que la consommation pétrolière subisse actuellement une poussée de la demande dans de nombreux pays, notamment pour la production d’air conditionné, les prévisions sont mitigées.

 

Le cartel prévoit un ralentissement de l’économie mondiale et cette évaluation est partagée par certaines banques centrales qui viennent d’abaisser leurs taux directeurs bien que l’inflation reste à un niveau élevé. Les banques canadiennes, suisses et européennes ont franchi le cap.

Ces institutions marchent à tâtons et cet empressement semble indiquer une peur de reproduire la crise de 2008 avec des outils trop rigoureux.

 

En 2008, une vague de défauts de paiement déclencha la débâcle des subprimes

Les parallèles avec cet épisode deviennent de plus en plus nombreux entre des élections américaines, des niveaux de dettes problématiques, des prix de l’énergie élevés et un système financier chancelant. Aux Etats-Unis, 63 banques se trouvent au bord du défaut de paiement avec plus de 500 milliards de dollars de pertes sur créances.

De plus, le spread, soit la différence entre le prix d’achat le plus élevé du marché et le prix de vente le plus bas du marché, entre les rendements du 10 ans et du 2 ans américains, a atteint des niveaux rarement vus, même en 2008. Il confirme que ce signal de récession, déclenché par l’inversion de la courbe il y a 2 ans déjà. Ce signal est à suivre avec une grande attention.

Pour mémoire, la crise de 2008 fut la résultante, notamment, d’une hausse insupportable des prix du baril de pétrole. Ce phénomène déclencha une poussée d’inflation qui dut être contrecarrée par une forte augmentation des taux d’intérêt. Ainsi, aux Etats-Unis, les taux hypothécaires passèrent de pratiquement zéro à plus de 6%. Noyés sous les dettes, les propriétaires américains n’eurent pas les capacités financières pour couvrir leurs échéances. Une vague de défauts de paiement déclencha la débâcle des subprimes, cette folle invention d’un système bancaire et financier dérégulé.

Pour sortir de la crise, dès 2010, l'arrivée sur le marché d'une capacité importante d'hydrocarbures de schiste a permis de relancer la croissance américaine et mondiale en injectant de l'énergie bon marché dans le système. Aujourd'hui, cette croissance est une condition sine qua non afin de supporter les niveaux de dettes démesurés des gouvernements et des consommateurs. A cet égard, la situation française est à surveiller de très près.

 

Sans augmenter la consommation d’énergie, une croissance solide est illusoire

Ce schéma revient d’actualité alors que le monde financier fait preuve d’une créativité qui crispe.

De plus, de nouveaux modes de calcul de l’inflation émergent. Du fameux "panier de la ménagère", les éléments qui pèsent trop fortement dans la balance comme l’énergie et la nourriture ont été retirés, afin d’obtenir une inflation sous-jacente, nettement moins alarmiste. Même la Suisse a retiré les hausses des primes maladie des calculs afin d’éviter les compensations salariales. Ces variantes de calculs permettent, en année électorale, de faire reluire les actions des gouvernements mais elles s’éloignent des fondamentaux.

 

Sources d'inflation aux Etats-Unis durant les 12 derniers mois, Inflation 3,3%

 

Sans énergie, pas de construction, pas de croissance

Dans ce contexte, comment éviter une récession? En Europe, depuis 2008, les quantités d’énergie consommées sont en baisse continuelles. Le mouvement s’est encore accéléré avec la chute des importations de gaz-méthane russe. Sans augmenter la consommation d’énergie, une croissance solide est illusoire et le secteur industriel ne peut que s’effriter.

L’analyse des chiffres de la création d’emplois montre qu’ils reposent sur les secteurs de la santé, de l’éducation, des loisirs et du service public. Ces secteurs dépendent de l’électricité contrairement à l’industrie, qui est intensive en pétrole et gaz.

Il faut ajouter que la Banque Centrale Européenne a annoncé la baisse de ses taux avec l’objectif d’apaiser les tensions immobilières sur les hypothèques et les prêts aux entreprises pour leur développement. Dans le dessin de la BCE, le marché immobilier pourra soutenir la croissance.

Le domaine de la construction, comme de la fabrication de véhicules, repose entièrement sur une consommation élevée d'énergie, à l'image de la fabrication du ciment, de l'acier, des isolants ainsi que de l'utilisation machines de chantier pour construire les bâtiments et les infrastructures. Dans les conditions actuelles, on voit mal comment ce secteur pourra prendre le relais de la croissance.

 

Une surproduction industrielle chinoise importante

Finalement, le marché est exacerbée par une surproduction industrielle chronique chinoise.

En effet, grâce à des prix subventionnés des énergies, notamment l'électricité et les carburants, ainsi qu'à un soutien financier sans faille de l’Etat, la Chine est en train de noyer certains marchés clés avec des tarifs particulièrement bas et met une pression trop grande sur les industriels du monde entier.

Une possession massive d’énergie devient de plus en plus un antidote pour éviter de tomber dans une crise, comme en 2008. On comprend mieux l'empressement de la Chine d'accéder aux ressources et aux difficultés de l'Europe de remonter la pente.

Si les hydrocarbures de schiste ont permis au monde de sortir de la crise de 2008, il faut compter sur les capacités des entreprises pétrolières pour extraire plus de pétrole à des prix bon marché. L'OPEP aurait 3,5 millions de baril de pétrole de capacité de réserve. Les mois qui viennent sont à surveiller comme le lait sur le feu et notamment la rentrée de septembre.

 

Article publié dans le journal Le Temps. Cette version est plus complète et plus longue que la version publiée dans Le Temps

 

 

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